Social -  CNE et CPE


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Un peu d'histoire ... à peine romancée :

La France était un pays presque "heureux" qui avait su occulter la moitié de ses chômeurs et qui disposait d'une grande variété de contrats permettant la flexibilité de l'emploi de ses travailleurs :
  • le contrat à durée indéterminé (CDI)
  • le contrat à durée déterminée (CDD)
  • les contrats à temps partiel
  • le contrat de travail temporaire (CTT ou intérim)
  • le contrat emploi-jeune
  • le contrat intermittent
Et puis d'un seul coup, on ne sait toujours pas pourquoi, ses habitants ont rejeté par referendum, le projet de constitution européenne.

Alors la France changea de premier ministre, peut-être pour les punir, peut-être aussi pour mettre sous l'éteignoir le ministre de l'Intérieur qui s'était autoproclamé depuis 3 ans "candidat unique de la majorité" aux élections présidentielles de 2007.
Pour prendre le pas sur celui-ci, le nouveau premier ministre devait agir vite et montrer qu'il était le meilleur, le plus libéral.

Alors il commença très fort.
Ayant déjà formé son gouvernement le 30 mai 2005, le lendemain même du referendum, il prononça son discours de politique générale à l'Assemblée nationale le 8 juin, discours au cours duquel il annonçait la mise en place dès le 1er septembre, d'un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée, qui faisait bénéficier les employeurs d'une période d'essai de 2 ans.

Puis, pour dissiper certaines inquiétudes "montantes", il s'est exprimé à la radio le 9 juin pour affirmer que ce contrat ne s'appliquerait qu'aux entreprises de moins de 10 employés et qu'il était exclu d'étendre son principe à d'autres cas.

Enfin sans concertation aucune, ignorant le dialogue social exigé en pareil cas par la loi du 4 mai 2004, il attendit que tout le monde soit parti en vacances, pas un jour de plus, pour faire paraître l'ordonnance n°2005-893 du 2 août 2005, instaurant un nouveau type de contrat de travail, le contrat "nouvelles embauches" ou CNE.


Le CNE


La façon dont est parue l'ordonnance met en évidence toute la fourberie dont est capable le premier ministre :
  • il peut ignorer la loi, on vient de le voir avec celle du 4 mai 2004
  • il peut contourner l'Assemblée nationale, en ayant recours, sans raisons valables, aux ordonnances
  • il peut "s'asseoir" sur le droit du travail européen qui stipule que la durée de la période d'essai doit être raisonnable
  • il peut duper les français en prenant des décisions à leur encontre pendant leurs vacances
  • il peut leur mentir aussi, puisque le CNE ne s'appliquera pas qu'aux entreprises de moins de 10 employés, comme il l'avait dit, mais finalement à toutes celles qui comptent jusque 20 employés.


Pourquoi tant de précipitation et de violations ?
Parce qu'il y a tellement de mauvaises choses pour les salariés, dissimulées dans cette ordonnance, qu'il faut qu'elle paraisse avant même qu'ils aient le temps de les découvrir et de réagir.

L'élévation de la durée de la période d'essai à 2 ans (au lieu de 1 mois pour les ouvriers ou 6 mois pour les cadres), justifiée comme apportant une certaine flexibilité, n'est semble-t'il qu'un moyen caché pour installer la précarité au sein même du CDI.

Il apparaît aussi, et c'est très grave, que pendant leurs deux années d'essai, les salariés pourront être licenciés, n'importe quand, sans avoir à connaître le motif du licenciement, sans procédure et sans recours.
Ceux ou celles qui refuseront de faire des heures supplémentaires sans être payés, qui ne pourront pas accepter les conditions d'hygiène ou de sécurité qu'on leur impose, qui répondront négativement aux "avances" de leur hiérarchie, qui tomberont enceintes, qui voudront défendre leur dignité..., pourront être licenciés, sans autre forme de procès.

En réalité le CNE n'est pas un nouveau contrat de travail, mais une nouvelle facilité de licenciement.

Il faut savoir qu'il concerne 95 % des entreprises françaises et 1 salarié sur 3.
Le CNE met donc déjà fortement à mal le droit du travail.


Le CPE


Se croyant invincible, le premier ministre s'empresse alors de poursuivre la destruction du code du travail.

Le 16 janvier 2006, il annonce la création d'un "contrat de première embauche" (CPE), réservé aux moins de 26 ans et comportant comme le CNE une période de 2 ans au cours de laquelle l'employeur pourra licencier le salarié sans avoir à s'en expliquer.
A noter au passage que sa déclaration du 9 juin, qui affirmait que le principe du CNE n'aurait pas d'autres applications, devient du même coup mensongère.

Dans sa justification du nouveau contrat, il évoque la nécessité de combattre le chômage des jeunes dont le taux (21 %) est très supérieur à celui de l'ensemble des actifs (9 %). Mais c'est là encore un mensonge : on sait en effet que les taux de chômage réels ne sont pas sensiblement différents : 21 % pour les jeunes et 19 % environ pour l'ensemble des actifs.

Une nouvelle fois le premier ministre ignore la loi du 4 mai 2004 qui exige un dialogue social préalable et le droit du travail européen qui rejette les périodes d'essai de durées non raisonnables.
Mais n'ayant pas eu la patience d'attendre les vacances d'été, il choisit de noyer le CPE dans une loi très générale dite "de l'égalité des chances", plutôt que de recourir aux ordonnances.

La partie n'est cependant pas gagnée.
Les français encore meurtris par le viol dont ils venaient d'être victimes avec le CNE, prennent désormais conscience que c'est à la totalité du code du travail que le gouvernement veut s'attaquer et, de plus en plus convaincus qu'ils servent de cobayes à l'Europe, ils se mobilisent et se rebellent.

Le 7 février, à l'appel des syndicats, 220.000 personnes (version ministère de l'intérieur) ou 400.000 (version syndicats) manifestent dans toute la France.

Après une longue bataille de procédures la loi d'égalité des chances (donc le CPE) est adoptée par l'Assemblée nationale le 27 février et par le Sénat le 1er mars, alors que 13 universités sont en grève.

Le 7 mars, entre 400.000 et 1.000.000 de manifestants (travailleurs, étudiants, lycéens, parents ou sympathisants) défilent dans toute la France. Une vingtaine d'universités sont en grève.

Le 9 mars, le Parlement adopte définitivement le CPE, mais la loi, pour entrer en application, doit encore être promulguée par la Présidence de la République

Le 16 mars, entre 30.000 et 120.000 étudiants ou lycéens manifestent dans Paris et 64 universités sont bloquées.
Les sondages révèlent que 68 % des français sont favorables au retrait du CPE.

Le 18 mars, une démonstration de force anti-CPE fait descendre dans la rue entre 500.000 et 1.400.000 personnes. 
Le 19 mars les syndicats brandissent la menace d'une grève générale.
Le 20 mars le premier ministre exclut tout retrait du CPE.

Le 24 mars, dans un journal télévisé, TF1 annonce que l'Allemagne a déjà mis en place un contrat du même type que le CPE et que tout s'est bien passé. Cette information peut être écoutée en cliquant sur le bouton (durée :15 secondes).

Pres - Tf1-cpe
Le 27 mars, le ministre candidat se désolidarise de son premier ministre en se montrant favorable à une suspension du CPE.

Le 28 mars, une mobilisation record fait défiler dans la France entre 1 et 3 millions de manifestants.
La mobilisation est renforcée par de nombreuses grèves.
Malgré la pression, le premier ministre réaffirme qu'il n'est pas question de retirer le CPE.
Le ministre candidat appelle à un compromis.

Le 31 mars, le Président annonce qu'il va signer la loi sur l'égalité des chances, incluant le CPE, mais précise que celle-ci ne devra pas être appliquée tant qu'elle ne sera pas remplacée par une autre loi dans laquelle le CPE verra d'une part sa période d'essai réduite à 1 an, et donnera d'autre part le droit au jeune salarié de connaître les raisons d'une éventuelle rupture de contrat décidée pendant cette période !
La loi, interdite verbalement d'application, paraît au Journal Officiel le 2 avril !

Le même jour, le vice-chancelier allemand, pour calmer les esprits qui commençaient aussi à s'échauffer outre-Rhin, annonce l'arrêt du "CPE" que la coalition allemande avait en projet.
Cette dernière remarque, on l'avoue, n'a pour seul but que de montrer que l'information du 24 mars de TF1 précisant que tout s'était bien passé en Allemagne, n'était en fait qu'une désinformation.
Il y a eu énormément de désinformations pendant cette période.
N'empêche qu'avec celle-ci, bon nombre de français étaient persuadés que le CPE était déjà instauré en Allemagne et que les manifestants français ne menaient qu'un combat rétrograde !

Le 4 avril, une cinquième mobilisation nationale fait défiler dans la rue, partout en France, un peu plus de 1 million à un peu plus de 3 millions de manifestants.

Le 5 avril, à l'appel de la coordination étudiante, les jeunes mobilisés bloquent de nombreuses routes, gares ou zones économiques du pays, notamment la Gare du Nord à Paris et le pont de l'Europe à Strasbourg.

Le 10 avril, le premier ministre se résout à annoncer le retrait du CPE.
Dans la nouvelle loi, publiée au Journal Officiel du 22 avril, le CPE est remplacé par un dispositif d'aide à l'insertion des jeunes sans qualification.

Qui sème la misère, récolte la colère !

Alors ?


Alors les français, même si on le leur reproche souvent, ont de bonnes raisons de ne pas faire confiance à leurs dirigeants.

Le plus triste est que l'on ne voit vraiment pas comment la France pourrait se sortir de son système politique actuel.
Ce système dans lequel la cooptation joue un rôle important, favorise trop l'émergence d'hommes ambitieux et sans scrupules, alors que le pays ne manque pas d'hommes compétents et honnêtes qui seraient bien meilleurs aux commandes.

La France a, c'est évident, besoin de réformes de son code du travail, mais ce n'est pas sans réflexion préalable et en gouvernant n'importe comment qu'on les mènera à bien.

Il y a lieu de se donner d'abord les moyens d'établir un "état des lieux" réaliste, de faire celui-ci, de le présenter aux français cartes sur table, d'organiser une grande et certainement longue concertation entre tous les partenaires sociaux, de trouver des compromis équitables et d'expliquer dans le détail, en les justifiant, les réformes à entreprendre. 






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                                  Rédigé en décembre 2006







Dernière minute

Les récents développements de l'affaire Clearstream tendent à prouver que cette présentation n'est pas romancée.
La lutte entre le premier ministre et le ministre candidat pour prendre le pouvoir, était féroce !




































Dernière minute

La Cour d'appel de Paris a jugé le 6 juillet 2007, que le CNE était contraire au droit international.

















































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