La catastrophe de Feyzin



Feyzin est l'un des premiers sinistres industriels majeurs, aussi célèbre à son époque que Seveso 10 ans plus tard, ou Tchernobyl 20 ans plus tard.

L'accident


 

La première sphère avant son éclatement

C'était le 4 janvier 1966, à 6h40 du matin, dans un site pétrochimique du sud de Lyon.
Des employés qui effectuaient une prise d'échantillon à la base d'une sphère contenant 700 m3 de propane liquide ne purent refermer la vanne d'échantillonnage, le propane se répandit partout, y compris vers la route départementale et l'autoroute qui longeaient l'usine.
Le trafic sur l'autoroute fut vite stoppé, mais une voiture enflamma la nappe de gaz sur la départementale à 7h15.
La flamme remonta jusqu'à la prise d'échantillonnage, établissant un feu continu sous la sphère.
La pression régnant dans celle-ci se mit alors à  augmenter jusqu'à l'ouverture à 7h45 de sa soupape de sécurité : les gaz qui s'en échappaient, s'enflammèrent à leur tour au sommet de la sphère.
Pendant ce temps de nombreuses personnes, pompiers venus de toute la région et personnel de l'usine, s'affairaient à éteindre l'incendie et à refroidir les sphères voisines avec des lances à eau.

Malgré les efforts déployés, l'enveloppe de la sphère se fragilisa sous l'effet de la température et à 8h45 la sphère éclata  : une mer de flammes engloutit les personnes présentes dans un rayon de 150 mètres, un champignon de feu et de fumée s'éleva à 500 mètres d'altitude, une onde de choc extrêmement puissante se propagea sur plus d'une dizaine de kilomètres à la ronde. 

Les conséquences


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L'explosion a fait 18 morts et une centaine de blessés, 12 d'entre eux étant grièvement brûlés. 
Des morceaux de la paroi métallique de la sphère, dont certains avaient une masse de plusieurs dizaines de tonnes ont été projetés sur plusieurs centaines de mètres.
Le feu s'est étendu aux autres sphères de gaz liquéfiés et aux bacs de stockage de produits pétroliers de la zone.
Une seconde sphère éclata à 9h40, alors que le personnel d'intervention avait eu le temps d'évacuer les blessés et de se replier.
Trois autres sphères se sont "ouvertes" sans exploser et l'incendie qui suivit a duré plusieurs jours.

Une fois agrandie, l'image de gauche montre l'ampleur de la tragédie.
Les premières rangées de maisons (leurs portes et fenêtres ont été arrachées, leurs cloisons abattues et leurs murs fissurés) donnent l'échelle.
Environ 1500 maisons et bâtiments ont été affectés par les ondes de choc.

Le vécu de la catastrophe

               


A l'époque je travaillais là-bas, en qualité de stagiaire. J'avais choisi de vivre en caravane et m'étais installé dans le sud, du côté de Vienne.
Ce matin-là, j'avais quitté mon "campement" à l'heure et je venais d'emprunter l'autoroute pour me rendre au travail, lorsqu'un grand coup de sifflet, venu de l'arrière, m'ordonna de faire demi-tour: "Monsieur, l'autoroute est fermée, vous devez prendre la nationale".
J'étais le premier à qui l'accès à l'autoroute venait d'être refusé.
La nationale dominant la vallée, il était facile de comprendre pourquoi l'autoroute avait été coupée. Je me suis arrêté à la hauteur de l'usine.
Ce qu'on voyait de la route était très impressionnant : à peu près ce que montre l'image placée en haut et à droite de cette page, mais avec, me semble-t'il, une flamme plus tendue et surtout un bruit assourdissant rappelant celui d'un réacteur d'avion à faible distance.
J'étais trop novice pour évaluer le danger à sa juste mesure, mais j'ai rapidement eu dans la tête l'image d'une cocote-minute qui s'emballait jusqu'à éclater. Comme il était interdit, en raison de l'incendie, d'entrer en voiture dans l'usine, c'est avec environ une demi heure de retard que j'ai finalement rejoint mon lieu de travail.
A  mon arrivée un collègue  m'a demandé de l'accompagner "pour aller voir ce qui se passait".
La réponse fut immédiate : "Tu es fou, ça va péter".
J'ignorais alors qu'une grande partie du personnel de l'usine était en train de combattre le feu.
Juste le temps qu'il aurait fallu pour se rendre sur place et la sphère explosa.
Nous étions en salle de contrôle : bruit sourd et profond, tremblement du bâtiment et affaissement du faux-plafond.
Lors de la seconde explosion, j'étais dehors sur une passerelle de chaudière.
Le ciel est devenu entièrement rouge orangé pendant plusieurs secondes, produisant sur la peau du visage une forte sensation de chaleur. Un bruit sourd suivit tandis qu'un effet de souffle me projetait à terre. Cela, à 600 mètres environ  du sinistre.

La suite de la journée fut extrêmement pénible.
Les nouvelles n'arrivaient que petit à petit, et de plus en plus désastreuses. La visite des blessés à l'hôpital fut terrifiante.
Les flammes immenses qui s'échappaient de la zone accidentée semblaient menacer la totalité du site. J'essayais de rassurer tant bien que mal - les informations étaient rares et peu fiables - les parents des jeunes blessés que je connaissais.
Les jours suivants furent aussi difficiles.
Le feu était sans fin. On apprenait les noms des blessés : Yves, Jean-Claude, Richard... On acquérait la certitude de la disparition d'un ami mécanicien, en retrouvant les clés de sa voiture dans les cendres...
La seule distraction était de s'employer à protéger les installations contre le gel, car il faisait très froid.


Et si je n'avais pas été dévié de l'autoroute, si je n'avais pas vu la sphère en feu, si j'étais arrivé à l'heure sur le site ?
Je serais allé combattre le feu avec les autres..... 



Vécu

  
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